On a vu La Tour Sombre : notre critique sans langue de bois !
Modifié le Jeudi 30 mars 2023 à 00h40

Ça y est ! Après plus de 8 ans de gestation, une production chaotique, des abandons en avalanche et des studios frileux qui se sont passé le bébé de main en main, La Tour Sombre est enfin sortie dans nos salles obscures. Alors que vaut vraiment le film de Nikolaj Arcel, qui a courageusement endossé la responsabilité d'adapter ce que tout le monde qualifie d'inadaptable ?
Avant tout, notez que je ne suis ni journaliste, ni cinéphile, ni critique ciné. Je suis un fan comme vous, ne vous étonnez donc pas si le style est plus terre à terre et s'attarde sur des détails liés à l’œuvre littéraire qui auront peut-être échappé aux pro et vice-versa. Notez également que bien que privilégiant habituellement la VO, j'ai dû me résoudre à voir le film en VF en raison du peu de cinémas ayant programmé le film dans sa version originale.
Le résumé détaillé (attention aux Spoilers !)
Dans l'Entre-Deux-Mondes se dresse la Tour Sombre, un édifice magique chargé de protéger une infinité de mondes parallèles. Sa destruction entraînerait un chaos sans précédent et la fin de tous les mondes.
Les Pistoleros ont juré de la défendre mais ils échouent contre Walter Padick – dit l'Homme en Noir – , un sorcier qui œuvre à la destruction de la Tour. Dernier survivant de l'ordre, Roland Deschain se détourne de son serment pour se lancer à la poursuite de Walter avec le désir de se venger.
Pour faire tomber la Tour, Walter a besoin d'enfants dotés du « Shining », un don télépathique très puissant qui agit sur la Tour. C'est alors qu'il découvre l'existence de Jake Chambers, un enfant de notre monde dont le « Shining » atteint des niveaux inégalés.
Hanté par des visions de l'Entre-Deux-Mondes, de la Tour, de l'Homme en Noir et du Pistolero et peinant à convaincre son entourage de leur authenticité, Jake s’enfuit à la recherche de Roland dont il sait que leurs destins sont liés. Par le biais d'une porte dimensionnelle, il pénètre dans un monde hostile, plein de dangers et de créatures inimaginables et finit par rencontrer le Pistolero dont il a rêvé. Mais en fait de héros, Jake ne voit qu'un homme amer, rongé par son désir de vengeance, et qui ne se soucie plus vraiment de la survie de la Tour Sombre.
Ayant besoin l'un de l'autre, ils affronteront les dangers de leurs mondes respectifs et feront face aux guerriers de l'Homme en Noir, chargés de kidnapper Jake pour le contraindre à utiliser son don contre la Tour.
Une adaptation libre qui fait mouche ?
A la lecture de ce résumé détaillé, les Fidèles Lecteurs l'auront bien compris : le film ne respecte pas du tout le cheminement des livres. Alors il ne manque pas de respect pour l'œuvre originale, loin de là, mais au lieu de reprendre l'histoire créée par Stephen King, les scénaristes se contentent de piocher des éléments par-ci par-là en les modifiant à leur guise pour en faire une histoire originale. Du coup, Roland ne recherche plus vraiment La Tour Sombre, Jake n’est plus un garçon négligé par des parents alcooliques et Walter a un rôle bien plus concret. On se demande un peu ce que ces changements apportaient de vital à l'histoire mais ils constituent les nouveaux backgrounds des protagonistes.
Cette originalité a été expliquée aux fans par le fait qu'il s'agirait en fait d'un "nouveau tour de roue" (les lecteurs comprendront, les autres n'y verront que du feu). Bonne ou mauvaise idée ? A chacun d'en juger. Il n'en reste pas moins qu'on peut s'étonner de la volonté de prendre de telles libertés quant à une mythologie qui ne nécessitait à priori pas vraiment de réécriture.
Si on en croit les révélations de Variety, les premiers spectateurs « test » n’auraient pas compris la complexité des premiers scripts plus fidèles, et celui-ci aurait été simplifié au maximum afin de ne pas perdre les non initiés. Nikolaj Arcel a justifié ce choix en décrivant ce premier volet comme une introduction au grand public à un univers trop riche et trop complexe pour être décrit dans un seul film, même plus long. Le but avoué est donc bel et bien de trouver une audience afin de convaincre les studios de financer des suites qui elles, pourront s’attarder à d’autres détails.
Pari périlleux, mais alors que je m’attendais moi-même à assister à un fiasco, je dois dire que j’ai été agréablement surpris par l’attention apportée aux détails. On se retrouve certes devant une histoire quasi inédite, mais la mythologie semble bien respectée. On retrouve beaucoup de dialectes propres à l’univers (« Que vos journées soient longues », « Merci Saï »…), des détails visuels (North Central Positronics, Sombra Corporation, le sigleu du Ka…), des clins d’œil (le nombre 19 omniprésent) ainsi que des indices sur l’histoire millénaire de l’Entre-Deux-Mondes (le parc d’attraction dont Roland ne comprend pas l’utilité)... C’est un peu comme une partie de « Où est Charlie ? » dans laquelle on rechercherait un maximum d’éléments issus des livres, tout en admettant que le contexte n’est plus le même.
Dès lors, si on accepte cette révision de l’œuvre originale, qui s’évertue malgré tout à en respecter l’essence, on rentre facilement dans cette intrigue simplifiée, qu’on soit un lecteur aguerris ou qu’on découvre au contraire cette œuvre.
Les acteurs s’en sortent-ils bien ?
Les acteurs principaux sont convaincants dans l’ensemble. Idris Elba, qui a été tant décrié, fait un Roland Deschain très crédible, qui retranscrit bien la froideur du personnage et ses souffrances intérieures. Il n’en reste pas moins qu’il parait un peu trop propre sur lui et que l’on ne comprend toujours pas vraiment pourquoi les scénaristes ont tant tenu à s’éloigner des descriptions très explicites et somme toute importantes issues des livres. Ce ne sont pourtant pas les bons acteurs qui ont manqué puisque Liam Neeson, Javier Bardem, Russel Crowe, Daniel Craig et Hugh Jackman ont un temps été évoqués.
Tom Taylor est une étonnante révélation. Il incarne parfaitement un Jake Chambers qui ne comprend pas vraiment le nouveau monde qui s’ouvre à lui mais qui, comme dans le livre, prend rapidement conscience de l’importance de la Tour Sombre. C’était plutôt une bonne idée de développer l’histoire autour de son don du « Shining », puisqu’il ne prend de l’importance que trop tard dans les livres. Cela laisse présager un développement intéressant du personnage, si toutefois des suites voient le jour.
Mais le personnage le plus charismatique reste Walter, l’Homme en Noir, auquel Matthew Mc Connaughey insuffle une aura incroyable. Froid et calculateur, il ne perd jamais son calme face à la situation et on ressent bien la crainte qu’il inspire à ses serviteurs. Alternant le machiavélisme gratuit à l’orchestration d’un plan bien rôdé, il est finalement très proche de sa version papier. On pourrait même dire que le film lui rend encore plus honneur que les livres eux-mêmes tant il prend de l’importance.
Que vaut vraiment La Tour Sombre alors ?
Bien que conscient des différences auxquelles je ferais face, je me suis laissé happé et ai tenté de voir ce film d’un œil neutre. Ce n’était pas gagné d’avance, mais arrivé à la moitié du film j’ai été obligé de m’avouer à moi-même que j’étais finalement agréablement surpris. Même la VF, qui semblait si catastrophique dans les bandes-annonces, s'avère être très fidèle aux traductions des livres ! Il n'est plus question de "Chevaliers", comme on pouvait le craindre, mais bien de Pistoleros et chaque nom propre a été respecté (sauf le Cochon du Sud qui garde son nom original).
Chaque détail que j’ai retrouvé m’a procuré un petit frisson et je me suis dit à plusieurs reprises que je voulais voir la suite de cette nouvelle aventure. Petit bémol sur la fin tout de même. N’étant pas un grand fan de films d’action et de super-héros, j’ai trouvé le dernier quart d’heure vraiment « too much ». A force de vouloir impressionner le spectateur, les réalisateurs sont tombés dans une surenchère Hollywoodienne d’effets spéciaux et de gun-fights qui virent un peu trop souvent au ridicule. L’affrontement final entre Roland et Walter est grotesque à souhait tant il joue sur les situations improbables et le happy end fait un peu tâche. Des rumeurs faisaient état d’une première version de la fin beaucoup plus tragique où l’un des protagonistes mourrait (« Il y a d’autres mondes que ceux-ci… ») et on ne peut que se sentir frustrés par cette débauche de bons sentiments qui ne sonne pas très « Stephen King ».
Ce n’est toutefois pas suffisant pour gâcher totalement le plaisir que j’ai eu à découvrir cette vision d’une œuvre qui m’est si chère et j’espère que des suites viendront enrichir cette relecture audacieuse.
Modifié le Jeudi 30 mars 2023 à 00h40